Depuis 2020, Anne-Laure Huber explore les relations entre efficacité des traitements contre le cancer et horloge interne à travers un programme de recherche fondamentale au Centre Léon Bérard. Elle nous explique l’avancée de ses travaux, les défis à relever et l’importance du soutien des donateurs pour faire avancer cette approche prometteuse.
Pourquoi vous intéressez-vous au cycle circadien ?
De nombreuses fonctions biologiques, comme le sommeil, la température et la sécrétion d’hormones, sont régulées par une horloge interne, appelée « cycle circadien », elle-même influencée par des facteurs externes comme la lumière ou l’alimentation. Notre objectif est de mieux comprendre ce cycle et son éventuel impact sur la réponse des patients aux traitements contre le cancer. Les cellules tumorales, quant à elles, présentent un dérèglement de cette horloge interne, ce qui peut affecter leur sensibilité aux traitements.
En parallèle de ce dérèglement, le corps humain est également plus fort à certains moments de la journée qu’à d’autres. Tout comme les cellules cancéreuses qui seraient plus faibles à certaines heures et donc plus fragiles face aux traitements.
Nous avons constaté qu’en adaptant l’heure et le dosage des traitements selon le concept de chronothérapie, on pourrait maximiser leur efficacité tout en réduisant les effets secondaires. L’enjeu est d’identifier des marqueurs dans les tissus sains, comme la protéine NLRP3 qui est celle que nous étudions particulièrement, pour déterminer le moment idéal d’administration des traitements en tenant compte du dérèglement du cycle circadien des cellules tumorales.
Quels sont les défis et les besoins pour faire avancer cette recherche ?
Nous travaillons avec une approche interdisciplinaire, combinant biologie et modélisation mathématique, en développant des jumeaux numériques (répliques virtuelles de systèmes cellulaires) capables de simuler la réponse des patients aux traitements en fonction de leur horloge circadienne.
L’étude, initialement centrée sur le cancer du poumon, s’est déjà élargie au cancer du sein, et nous espérons l’étendre à d’autres types de cancers. Mais pour poursuivre ces avancées, nous avons besoin de financements afin d’intensifier nos recherches, valider nos résultats à plus grande échelle et les traduire en applications cliniques concrètes.
Comment cette recherche pourrait-elle transformer la prise en charge des patients ?
À terme, cette approche pourrait permettre d’adapter l’administration des traitements en fonction du rythme biologique des patients et d’aller vers une prise en charge toujours plus personnalisée. Par exemple, nous pourrions déterminer si un traitement doit être administré le matin ou l’après-midi pour mieux cibler les cellules tumorales tout en préservant les cellules saines. Des premières observations suggèrent, ainsi, que certains traitements présenteraient de meilleurs résultats s’ils étaient administrés en matinée. Notre conviction est qu’il existe un potentiel pour optimiser l’efficacité des thérapies déjà disponibles en les adaptant au cycle circadien du patient.
VOTRE DON ACCELERE LA RECHERCHE
Grâce à la générosité de donateurs, le Centre Léon Bérard a pu acquérir un équipement précieux pour ses équipes de recherche : l’Opéra Phénix Plus.
«Il n’y a actuellement que deux machines comme celle-ci en France. Son acquisition nous permet d’automatiser des analyses qui prennent aujourd’hui quelques heures alors qu’il fallait plusieurs jours auparavant. Cela nous permet également d’être plus précis et efficaces dans nos recherches. C’est un outil formidable qui accélère nos découvertes. » Anne-Laure Huber