Reconstruction mammaire & cancer du sein : nos experts répondent à vos questions

Dr Mesdag et Dr Frobert

Suite à notre webinaire consacré à la reconstruction mammaire et au cancer du sein du mardi 13 avril dernier, nous avons reçu de nombreuses interrogations auxquelles nous n'avons pas pu répondre. Dans ce cadre, le Dr Mesdag, chirurgien sénologue au CLB et le Dr Frobert, chirurgien plasticien au CLB répondent à toutes vos questions dans cet article. Rencontres.

Reconstruction mammaire & cancer du sein : nos experts répondent à vos questions Reconstruction mammaire & cancer du sein : nos experts répondent à vos questions 2021-05-10T15:55:34+02:00 2022-06-09T15:38:28+02:00 /sites/default/files/2021-05/thumbnail_p1010381.jpg

Quelle méthode dois-je choisir après une mastectomie, procédures, contre-indications, avantages, inconvénients, conseils post-opératoires… rencontre et conseils avec le Dr Mesdag et le Dr Frobert. 

 

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     1. Dr Frobert/Dr Mesdag : Y a-t-il des différences entre les chirurgies réalisées sur des patients ayant eu un cancer non métastasique et un cancer métastasique ?

De nos jours, les traitements médicaux permettent dans certains cas un très bon contrôle d’une maladie métastatique du sein. Ainsi, le caractère métastatique d’une maladie du sein n’influe pas directement sur le choix technique d’une éventuelle reconstruction mammaire. Il faudra, lors de la rencontre entre la patiente et l’équipe chirurgical, établir un lien de confiance fort basé sur une information claire, pour faire les choix qui semblent les plus pertinents pour la patiente compte tenu de sa maladie. Egalement, il semble indispensable que le médecin cancérologue de la patiente soit impliqué dans la réflexion du projet de reconstruction mammaire, et donne son aval pour débuter un programme chirurgical qui ne devra pas interférer avec les traitements médicaux éventuels. Il n’y a donc pas de différence entre les chirurgies réalisées pour des patientes métastatiques, sous réserve que la patiente, son médecin et l’équipe chirurgicale, soient en accord sur le programme chirurgical établi conjointement.

     2. Dr Frobert/Dr Mesdag : Y a-t-il des situations de patientes dans lesquelles on ne peut pas faire de reconstruction immédiate ?

La reconstruction mammaire immédiate est proposée aussi souvent que possible aux patientes lorsque les conditions sont réunies pour avoir des suites opératoires simples (absence de complication) et un résultat esthétique satisfaisant.Toutefois, dans certains cas de figure, la reconstruction immédiate n’est pas systématiquement proposée à la patiente. Lorsqu’il est établi que la patiente se verra proposer des traitements complémentaires à la chirurgie (chimiothérapie, radiothérapie), il est important de ne pas différer l’initiation de ces traitements qui conditionneront le pronostic global de la maladie et la survie de la patiente. Seule une discussion éclairée entre la patiente et son chirurgien pourra déterminer la possibilité de reconstruction immédiate dans le cas. La seule contre-indication formelle carcinologique à la reconstruction immédiate est actuellement le cancer du sein de forme inflammatoire (stade T4d classification TNM) et en général les formes de cancer évoluées localement (avec atteinte cutanée ou de la paroi thoracique). Egalement, si la reconstruction mammaire immédiate a des risques de complication élevés ou risque de donner un résultat cosmétique peu satisfaisant, elle ne sera pas forcément proposée. En pratique, les cas défavorables à la reconstruction immédiate seront les patientes présentant des risques de complications post opératoire majeurs : seins de très fort volume (hypertrophie mammaire), tabagisme, diabète, mauvais état général, obésité, antécédent de chirurgie mammaire, ou cumulant ces facteurs. Les bonnes indications à la reconstruction mammaire immédiate seront donc : les patientes ne nécessitant pas de traitement adjuvant (dont chirurgie prophylactique), ou ne présentant pas de comorbidité (pas de tabac, pas d’obésité, pas de diabète,…) sans antécédent de chirurgie mammaire et présentant des seins de petit ou moyen volume.

 

Replay du webinaire sur la reconstruction mammaire et le cancer du sein du mardi 13 avril dernier :

    3. Dr Frobert/Dr Mesdag : est-il utile de choisir sa méthode de reconstruction avant la mastectomie ?

Que la reconstruction soit immédiate ou différée, il est toujours important que la patiente reçoive l’information sur les possibilités de reconstruction dans sa situation. En cas de reconstruction mammaire immédiate, il semble bien évidemment indispensable de pouvoir faire un choix éclairé avec l’équipe chirurgicale. En cas de reconstruction mammaire différée, le choix dépendra de nombreux facteurs et fera l’objet d’une discussion approfondie lors d’une consultation de chirurgie réparatrice dédiée.

    4. Dr Frobert/Dr Mesdag : Quel est le risque de rejet des implants dans le cas d’une reconstruction par prothèse ?

En cas de reconstruction par implant prothétique, le risque majeur est celui d’infection de la prothèse. Le risque principal se situe dans la période post opératoire précoce (<6 semaines suivant une chirurgie), mais peut survenir jusqu’à 1 an de l’intervention. Ce risque est estimé autour de 5% et est + supérieur dans les reconstructions immédiates que dans les reconstructions différées. Le second risque est celui de coque péri-prothétique, qui est majoré en cas de radiothérapie. Il s’agit de d’un épaississement anormal et d’une rigidification excessive des tissus entourant la prothèse. Ce risque se situe plutôt à moyen et long terme (> 1 an après la chirurgie) et «fige» le sein reconstruit et peut en modifier l’aspect extérieur. Le risque de coque est estimé de 30 à 50% en cas de radiothérapie.

   5. Dr Frobert/Dr Mesdag : Peut-on réaliser une reconstruction seulement avec lipomodelage ? Cette solution est-elle possible pour des bonnets B ou C, ou bien est-elle réservée exclusivement à des "retouches » ?

De nos jours, aucune technique de reconstruction mammaire ne se passe du lipomodelage (transfert de tissu graisseux ou lipofilling en anglais) en complément pour réaliser des « retouches ». En cas de reconstruction par prothèse, le lipomodelage va permettre d’améliorer la qualité de la peau entourant la prothèse en l’épaississant. Cela permettra également de camoufler certaines irrégularités éventuelles comme les plis prothétiques. En cas de reconstruction autologue (avec les propres tissus de la patiente), le lipomodelage permettra d’augmenter le volume du sein reconstruit, d’améliorer la souplesse ou de gommer certaines irrégularités de la peau.La reconstruction mammaire peut parfois être faite par lipomodelage exclusif. Nous réservons habituellement ce choix aux patientes présentant des seins de petit volume (bonnet B maximum) et présentant assez de réserve graisseuse. Il s’agit d’une procédure relativement rapide (moins d’une heure), réalisée sous anesthésie générale et habituellement en ambulatoire (entrée et sortie le même jour). Les risques de complications de cette chirurgie sont faibles. En cas de reconstruction par lipomodelage exclusif, le nombre de chirurgie peut toutefois être plus important (de 3 à 5 chirurgies) afin que le volume souhaité soit atteint. De plus, le résultat est parfois plus incertain car il dépend également de la façon dont les tissus vont "retenir" la graisse, capacité qui est souvent diminuée en cas d'antécédent de radiothérapie.

« Il faudra établir un lien de confiance fort basé sur une information claire, pour faire les choix qui semblent les plus pertinents pour la patiente. »

Dr Mesdag

    6. Dr Frobert/Dr Mesdag : Qu’en est-il de la reconstruction immédiate ? Quelles sont les conditions pour la proposer ? Et les bénéfices/risques ?

La reconstruction mammaire immédiate est proposée aussi souvent que possible aux patientes lorsque les conditions sont réunies pour avoir des suites opératoires simples (absence de complication) et un résultat esthétique satisfaisant.En pratique, les meilleures situations sont donc celles ou les patientes ne nécessiteront pas de traitement adjuvant (pas de chimiothérapie ni de chimiothérapie), comme les cas de chirurgie prophylactique (prévention en cas de mutation BRCA1/2), les lésions précancéreuses et carcinome in situ étendus traités par mastectomie sans radiothérapie ; en particulier chez des patientes jeunes, ne présentant pas de comorbidité, et des seins de petit ou moyen volume (jusqu’à bonnet C). Le bénéfice psychologique est indiscutable pour les patientes, bien que l’acceptation du sein reconstruit ne soit pas forcément évidente.

    7. Dr Frobert/Dr Mesdag : Les opérations de reconstruction sont-elles prises en charge à 100 % par la sécurité sociale ?

Dans un Hôpital public ou un Centre de Lutte contre le Cancer comme le Centre Léon Bérard, la prise en charge se fait à 100% dans le cadre de l’ALD – affection longue durée. Dans le domaine du soin libéral (cabinet de ville ou clinique), le remboursement des soins se fait en partie par la sécurité sociale et par la mutuelle ou complémentaire santé de la patiente. Une partie du montant des soins (forfait de la clinique, honoraires de l’équipe chirurgien – anesthésiste) peut rester à la charge de la patiente.

    8. Dr Frobert/Dr Mesdag : On parle souvent de l'asymétrie, mais est-ce que cela a un impact sur le corps ? Y-a-t-il une contre-indication à rester avec un seul sein ?

Il n’y a aucune contre-indication à rester avec un seul sein. La reconstruction mammaire doit être le fruit de la réflexion et du choix de la patiente et ne constitue aucunement une obligation. En l’absence de reconstruction, particulièrement chez les patientes présentant une hypertrophie mammaire, il arrive parfois que la patiente ressente un déséquilibre au niveau mammaire et une gêne sur la statique rachidienne (de la colonne vertébrale) et des douleurs dorsales. Il peut être discuté selon la demande de la patiente, de réaliser une réduction mammaire du sein restant afin de limiter ce déséquilibre, plus rarement une mastectomie « de convenance » (cf questions 13 et 15).

   10. Dr Frobert/Dr Mesdag : Après une opération de reconstruction, qu'est-il déconseillé de faire ? Au bout de combien de temps est-il possible de reprendre le sport, le travail ?

L’objectif après une reconstruction du sein, quelquesoit la technique choisie, est que la patiente puisse reprendre le plus rapidement possible une vie 100% « normale ». Toutefois, dans la période post opératoire précoce (jusqu’à 6 semaines suivant une chirurgie), nous recommandons aux patientes un repos à domicile, en limitant les activités du haut du corps. Selon la chirurgie et selon la patiente, l’arrêt de travail peut aller de 2 à 6 semaines minimum.

« La reconstruction mammaire doit être le fruit de la réflexion et du choix de la patiente et ne constitue aucunement une obligation. »

Dr Frobert Paul

    11. Dr Frobert/Dr Mesdag : La reconstruction à partir de la technologie impression 3D pourrait-elle être envisagée en 2022 ?

Les technologies de bio-impression 3D font l’objet de recherche constante de nos jours. La possibilité de créer une « bio prothèse » fabriquée à partir de matières naturelles et imprimées en 3D selon la forme choisie existe à présent. Ce projet est actuellement en phase préclinique en partenariat avec le Centre Léon Bérard et nous espérons pouvoir débuter les essais cliniques avec les patientes dans les prochaines années.

    12. Dr Frobert/Dr Mesdag : Pourquoi dit-on qu’il faut attendre un an après la fin des traitements pour la reconstruction ? Est-ce que la reconstruction augmente le risque de récidive ?

Nous attendons habituellement un délai minimal de 6 à 9 mois après la fin de la radiothérapie pour que les tissus aient bien récupéré des traitements avant d’envisager une reconstruction. Ce délai peut éventuellement être raccourci en l’absence de radiothérapie. Parfois, en cas de cancer à haut risque de récidive, ce délai peut à l’inverse être allongé, pour s’assurer du bon contrôle de la maladie. Il n’existe, à notre connaissance, pas de lien entre reconstruction mammaire et augmentation du risque de récidive du cancer.

    13. Dr Frobert/Dr Mesdag : Si je ne veux pas me faire reconstruire mais enlever le sein qui me reste, est-ce possible ?

Oui, cela est possible. Il s’agit de réaliser une mastectomie dite « de convenance ». Certaines patientes ont nommé cette possibilité « la reconstruction à plat ». Ceci doit être discuté avec l’équipe chirurgicale prenant en charge la patiente, et doit faire l’objet d’une demande répétée, réfléchie, argumentée. Effectivement, la chirurgie de mastectomie n’est pas une chirurgie anodine et comporte des risques propres (hématome, infection, nécrose cutanée, lymphocèle…). Egalement, il semble important que la patiente ait un discours cohérent et une réflexion construite et sereine dans ce projet, afin de ne pas « regretter » secondairement son choix. Il ne faudrait pas que la patiente se retrouve dans une situation encore plus délicate de demande de reconstruction mammaire bilatérale.

    14. Dr Frobert/Dr Mesdag : Quelle est la différence entre le Diep abdominal et le Diep interne aux cuisses ? Comment éviter le risque de nécrose suite au Diep et quelle est la surveillance après le Diep ? 

La technique DIEP signifie : Deep Inferior Epigastric Perforator flap. Il s’agit d’un acronyme anglais décrivant anatomiquement les vaisseaux abdominaux (Artère Epigastrique Inférieure profonde en français) sur lesquels est basée la reconstruction microchirurgicale. Il s’agit donc par définition d’un prélèvement abdominal. La dénomination « DIEP interne aux cuisses » fait plutôt références aux techniques appelées : Lambeau de gracilis libre (en anglais TUG – Transverse Upper Gracilis flap ou VUG – Vertical Upper Gracilis flap) ; ou de PAP (Profunda Femoral Artery Perforator flap). Les techniques de reconstruction mammaire microchirurgicale basées sur des lambeaux de face interne de cuisse diffèrent donc par le site de prélèvement : face interne de cuisse pour le lambeau de gracilis libre et le PAP, contre prélèvement abdominal pour le DIEP.

En pratique : 

  • Les avantages et les inconvénients de la pratique du DIEP interne aux cuisses et du DIEP abdominal sont globalement superposables. Toutefois, les lambeaux de face interne de cuisse sont habituellement réservées aux patientes ayant des seins de plus petit volume (bonnet A ou B), ou bien aux reconstructions bilatérales (prophylactiques notamment). Les sites donneurs de face interne de cuisse présentent parfois une cicatrisation plus délicate par rapport au lambeau abdominal. 
  •  Les facteurs de risque de nécrose en cas de lambeau microchirurgical sont : le tabac, l’obésité, le diabète, l’âge > 65 ans, des antécédents d’accident cardiovasculaire ou de thrombose veineuse profonde et la radiothérapie. Ainsi, les seuls facteurs sur lesquels une prévention sera possible seront : l’arrêt du tabac, la lutte contre l’obésité, l’équilibrage d’un éventuel diabète.
  • La surveillance post-opératoire des reconstruction micro-chirurgicale nécessite une hospitalisation de 4 à 7j en moyenne avec un examen clinique répété du "lambeau" permettant de s'assurer de sa bonne vitalité.

Faut-il mettre des crèmes spécifiques, porter un soutien-gorge y compris la nuit en attendant la reconstruction ?

Nous recommandons habituellement une bonne hydratation cutanée au cours de la radiothérapie et dans les périodes post-opératoires afin de favoriser la cicatrisation. De nombreuses crèmes hydratantes et cicatrisantes commercialisées peuvent être utilisées. La qualité de la peau sera un facteur majeur pour obtenir une reconstruction de bonne qualité.

Ainsi, nous recommandons également les massages des zones opérées pour obtenir une bonne souplesse de la peau. Le port d'un soutien-gorge avant la reconstruction n'influe pas sur le résultat de celle-ci.

15. Dr Frobert/Dr Mesdag : D’après les témoignages, la reconstruction est plus douloureuse que la mastectomie : qu’en est-il vraiment ?

D’un point de vue extérieur à celui des patientes, la chirurgie de mastectomie semble souvent être bien tolérée d’un point de vue de la gestion de la douleur post opératoire. Concernant les chirurgies réparatrices, et selon les techniques choisies, la gestion de la douleur post opératoire peut parfois être plus délicate que pour la mastectomie. Toutefois, dans les centres habitués à ces chirurgies, de nombreuses possibilités existent pour bien maitriser les douleurs post opératoires. Ainsi, les patientes reçoivent le plus souvent, en plus de l’anesthésie générale, une anesthésie locorégionale pour améliorer le confort post opératoire. Ce point fait l’objet d’une réflexion constante et de progrès permanents dans l’intérêt des patientes et doit être abordé lors de la consultation avec le chirurgien, et également lors de la consultation d’anesthésie.

    16. Dr Frobert/Dr Mesdag : Est-ce possible de remplacer une prothèse par un lambeau simple ?

Oui, dans certains cas de figure, par exemple lorsque la patiente souhaite se séparer de la prothèse mammaire, il est possible de la remplacer par un lambeau quelquesoit le type de lambeau (pédiculé de grand dorsal, microchirurgical type DIEP…). Nous parlons alors de « conversion » de reconstruction mammaire, de prothétique vers autologue (avec les propres tissus de la patiente).

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