Comment parler du cancer à mon enfant ?

Une famille à la campagne

Confrontés à la maladie, les parents s'interrogent. Doivent-ils en parler à leurs enfants ? A partir de quel âge ? Y-a-t-il des mots à éviter ? Laurence Syp, psychologue au Centre Léon Bérard, répond à nos questions.

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De nombreux parents sont confrontés à la maladie et ne savent comment en parler avec leurs enfants et ceci quel que soit l’âge de ces derniers.

Laurence Syp, psychologue au Centre Léon Bérard, au sein du Département des soins de support du patient en oncologie (DISSPO), a animé pendant plusieurs années un groupe de parole ouvert aux enfants de parents atteints de cancer. Désormais, elle reçoit les enfants et parents, dans le cadre de consultations individuelles. Il vous suffit d'en faire la demande auprès de votre oncologue ou de l'équipe soignante.

Nous lui avons demandé de puiser dans son expérience et lui avons posé 3 questions sur ce sujet qui est aussi passionnant que complexe à aborder tant il suscite des craintes, des fantasmes et des croyances, de part et d’autre.

Pourquoi annoncer la maladie ?

Les réponses de notre spécialiste peuvent vous aider.

Laurence Syp

1- Quand un parent tombe malade, faut-il l’annoncer à son enfant et pourquoi ?

Laurence Syp : Les enfants sont très sensibles à ce qui affecte leurs parents, ils perçoivent très vite si quelque chose ne va pas. Leur expliquer ce qui vous arrive permet de mettre du sens sur des changements qu’ils auront perçu plus ou moins confusément, rapidement après que vous aurez reçu cette information.

Ces changements d’attitudes, d’humeur peut-être ne manqueront pas de les inquiéter. Les échanges avec eux et les familles ainsi que nombreux récits d’adultes ayant été confronté à la maladie d’un parent dans leur enfance, témoignent du vécu d’exclusion et d’abandon lorsqu’ils ont été maintenus à l’écart.

Afin de contenir à minima leur crainte vous pouvez dire à vos enfants que des soignants sont là pour prendre soin de vous, qu’ils vous accompagneront durant toutes vos hospitalisations et vos traitements. L’imagination et les fantasmes sont parfois pires que la réalité, certains non-dits peuvent isoler, augmenter leurs craintes et mettre à mal le lien précieux de confiance qu’ils entretiennent avec les adultes.

Les informer permet aussi qu’ils se préparent aux changements au sein de l’organisation familiale. Ainsi vous leur montrez que vous aussi leur faites confiance.

2- Quels conseils donneriez-vous aux parents : comment, à quel moment doit on en faire l’annonce ? Y-a-t-il un âge limite ?

 

Laurence Syp : Face à cette nouvelle bouleversante, le parent a besoin dans un premier temps d’assimiler l’annonce de la maladie, d’en mesurer progressivement les enjeux pour lui, puis pour son entourage proche, dont ses enfants. Expliquer ce qui arrive avant de commencer les traitements, en raison des absences de la maison lors de certaines hospitalisations, des effets secondaires et des modifications corporelles qui peuvent survenir (pose de pac, perte des cheveux, nausées, vomissements, fatigue, etc…).

Annoncer la maladie en réunissant la fratrie, permet à chacun, quel que soit son âge et sa position de ne pas se sentir exclu, même si chacun traitera l’information différemment, selon ses critères.

 

Chaque famille possède ses propres codes, ses propres habitudes qu’elle doit essayer de préserver. Le moment que vous aurez choisi pour leur expliquer ce qui se passe peut prendre la forme d’une réunion de famille elle favorise le partage d’une annonce importante.

Réunir la fratrie permet, quel que soit leur âge et position de ne pas se sentir exclu, même s’ils traiteront l’information différemment. (Eviter le soir et le moment du coucher) - Invitez-les à dire ce qu’ils ont compris. Laissez du temps à l’expression de leurs émotions. N’hésitez pas à revenir si besoin dans un second temps sur la discussion car eux aussi doivent assimiler cette nouvelle situation source de peurs et de questionnements multiples. Certains enfants souhaitent en reparler plus ou moins souvent alors que d’autres n’y tiennent pas, cela doit-être respecté. Des questions déroutantes peuvent survenir, à ne pas les éluder.

Ne perdrons pas de vue que certaines de leurs questions entrent en résonances directes avec les grandes questions existentielles qu’ils ne manqueront pas de se poser et de poser aux adultes. Au-delà d’une information savante, les enfants cherchent aussi à voir comment l’adulte se positionne sur ces grandes questions, de la vie, la sexualité et la mort. N’hésitez pas à emmener les enfants qui souhaitent voir à quoi ressemble l’hôpital où vous êtes pris en charge.

3- Lorsqu’on parle de maladie à son enfant, y a-t-il des mots qu’il ne faut pas prononcer ?

Laurence Syp : A partir du moment où ils sont simples et adaptés à l’âge de l’enfant il n’y a pas de mots à éviter. Il ne s’agit pas de tout dire ou de ne rien dire, mais bien plutôt de trouver un dire « juste ». Essayez de ne pas faire de promesses que vous ne pourrez pas tenir. Aussi, certaines métaphores font courir le risque de prendre les choses pour ce qu’elles ne sont pas, comme « c’est une méchante boule » par exemple. On peut dire qu’il y a des cellules qui se dérèglent ou qui sont malades, tout simplement, ce qui est déjà beaucoup. Ne rajoutons pas de complexité là où il y en a déjà! Et même avec les tout-petits, plus sensoriels, s’ils ne comprennent pas forcément le sens des mots, ils restent extrêmement sensibles et attentifs aux paroles, à la modulation de la voix, aux regards et aux messages qui leurs sont adressés.

4- Vers quels professionnels puis-je me tourner si mon enfant a besoin d’aide à l’issue de cette annonce ?

Laurence Syp : En dehors des consultations à l’hôpital, de nombreux psychologues cliniciens en ville sont formés pour accueillir les enfants et échanger avec eux autour de ces questions. Mais ce peut-être avec un pédiatre, le médecin de famille, un généraliste, une infirmière scolaire, parfois une assistante sociale de secteur ou de l’école de l’enfant. De nombreux points écoute-jeunes existent aussi pour les plus grands qui se trouvent parfois démunis pour parler avec leurs parents de la maladie.

La ligue contre le cancer de Lyon est un lieu qui peut accompagner les patients adultes soit individuellement soit dans le cadre de groupes de paroles.

L’Espace de Rencontre et d’Information du CLB peut vous orienter vers des lectures peuvant constituer un support à la discussion. Vous trouverez sur internet ceux qui vous intéressent et vous correspondent.

Mais ne perdons pas de vue que l’enfant ou le jeune choisira de lui-même assez naturellement l’interlocuteur privilégié avec lequel il souhaitera parler, et ce ne sera pas forcément un psychologue, ni même un professionnel.

Vers quels professionnels orienter mon enfant ?

En dehors des consultations à l’hôpital de nombreux psychologues en ville sont formés pour accueillir les enfants et échanger avec eux autour de ces questions. Mais ce peut-être aussi avec le médecin de famille, un généraliste, une infirmière scolaire, parfois une assistante sociale de secteur ou de l’école de l’enfant. De nombreux points écoute-jeunes existent aussi pour les plus grands qui se trouvent aussi parfois démunis pour parler avec leurs parents de la maladie.