Pourriez-vous rapidement vous présenter ?
Aurélia Joureau-Chabert : Je travaille au Centre Léon Bérard depuis 2004 et je suis actuellement manager à l’hôpital de jour depuis 4 ans. J’ai été, dans un premier temps, infirmière en hôpital de jour et en essais thérapeutiques. Également, j’ai tenu le poste de coordinatrice en unité de gestion des entrées imprévues pendant 10 ans et j’ai effectué quelques remplacements pendant plusieurs années de manager de proximité. Aujourd’hui, ma mission principale est de manager l’ensemble de l’équipe composée de 35 infirmières et de 3 aides-soignants. Également, je régule l’activité de l’hôpital de jour dans le cadre des traitements chimiothérapiques, des transfusions ainsi que des essais thérapeutiques. J’assure ainsi au quotidien, la sécurité et la qualité des soins dispensés sur l’unité.
Pourriez-vous nous faire un tour d’horizon de l’hôpital de jour ?
Aurélia Joureau-Chabert : L’hôpital de jour se trouve au 2e étage du bâtiment 3 et accueille en moyenne 150 patients/jour, quelle que soit leur pathologie, sur une amplitude horaire de 8h à 19h. 20 infirmières sont sur place de manière quotidienne afin de prendre en charge l’ensemble des patients. Nous travaillons également en transversalité avec les oncologues du CLB qui ont des journées et/ou demi-journées consacrées à leurs patients en hôpital de jour. Aussi, un secteur réservé aux essais thérapeutiques se trouve au sein même de l’hôpital. Nous effectuons les phases II* et les phases III* des essais cliniques avec des infirmières formées spécialement aux essais thérapeutiques. Nous avons également 2 autres secteurs où nous réalisons les actions conventionnelles d’un hôpital : chimiothérapie, immunothérapie, ponctions, transfusions…
* Les essais de phase II (ou essais précoces), ont pour objectif de confirmer l’activité clinique préliminaire et/ou pharmacologique du médicament à la dose recommandée à l’issue de la phase I.
* Les essais de phase III (ou essais comparatifs) sont destinés à comparer le nouveau médicament à un traitement standard afin de déterminer son efficacité.

« Nous avons mis en place toutes les mesures barrières possibles et détenons tout le matériel nécessaire afin de préserver la santé de nos patients ainsi que celle de nos collaborateurs, tout en renforçant le fonctionnement de notre système de soins »
Votre activité est intense en ce moment… Quels processus avez-vous mis en place au sein de l’hôpital de jour en cette période inédite de pandémie ?
Aurélia Joureau-Chabert : En effet, le contexte du covid-19 bouleverse toute notre organisation depuis maintenant 2 mois. Il a ainsi fallu faire respecter un ensemble de règles et de gestes barrières afin de limiter un maximum la propagation du virus mais également les contacts physiques entre chaque patient. Dans ce cadre, nous évitons les temps d’attente et nous anticipons la venue de nos patients afin d’être le plus serein possible. Aujourd’hui, ces derniers arrivent par l’accueil du bâtiment 3 (accueil filtré) où ils sont reçus par un personnel qui leur prend systématiquement la température. Un masque leur est distribué (le port du masque est obligatoire pour monter dans l’enceinte de l’hôpital de jour) et une solution hydro alcoolique est mise à disposition. Dans le cas où nous détecterions chez un patient le moindre symptôme (fièvre par exemple), celui-ci ne pourra en aucun cas se diriger vers l’hôpital de jour et sera directement conduit en unité de gestion des entrées imprévues. Nous avons également interdit toutes les visites de proches ainsi que les accompagnants y compris les transporteurs (taxis, ambulanciers…) et avons pris la décision de diminuer drastiquement les mouvements du personnel. Aujourd’hui, le patient est le seul à pouvoir monter au 2e étage. Lorsqu’il y a nécessité (patient non autonome par exemple), il sera alors accompagné par le personnel dédié situé à l’accueil du bâtiment 3. Lorsque nous arrivons au 2e étage (accueil administratif), nous avons établi un marquage au sol afin que les patients puissent attendre à 1 mètre d’intervalle. Ensuite, dans les salles d’attente, nous avons fait en sorte que les places assises soient bien différenciées dans le but que les patients ne puissent pas se retrouver les uns à côté des autres. Habituellement, nous accueillons également beaucoup d’intervenants (animateur d’activité physique adaptée par exemple) mais aujourd’hui ils ne sont plus autorisés à réaliser leurs ateliers sur place, tout comme la socio-esthéticienne d’ailleurs. En revanche, ils sont en constante relation avec nous. Par exemple, les animateurs APA* nous communiquent des exercices pour garder la forme en période de confinement que nous affichons dans toutes les salles afin que les patients puissent se mobiliser et continuer à maintenir cette dynamique. La socio-esthéticienne, pour sa part, nous donne par téléphone ou par mail, des conseils ou contacte directement les patientes dans le besoin.
*Activité Physique Adaptée
Comment avez-vous réorganisé les consultations de vos patients ?
Aurélia Joureau-Chabert : Depuis 2 mois, nous travaillons en étroite collaboration avec nos oncologues ainsi qu’avec l’ensemble des assistants et des internes du CLB. Le but étant d’organiser, dans la mesure du possible, des téléconsultations lorsque le patient affiche le moindre symptôme. En effet, nous ne souhaitons prendre aucun risque et les réorientons si besoin, vers le service UGEI par exemple qui s’occupe actuellement des patients suspectés covid+. Ainsi, tous les patients sont appelés la veille de leur rendez-vous initial, permettant d’anticiper certains besoins comme le rajout d’un examen de radiologie par exemple ou la prescription en amont, de certains traitements. La production d’un traitement de chimiothérapie, qui se fait initialement à l’hôpital de jour, peut ainsi se préparer la veille afin qu’il soit directement prescrit au patient le lendemain lors de son rendez-vous. Ce nouveau fonctionnement nous rend plus réactifs (car moins de consultations sur place et davantage de téléconsultations) et diminue ainsi, le temps de présence à l’hôpital de jour. Nous nous sommes également associés à l’HAD* afin de réaliser pour certains patients, 1 cure sur 2 de traitement directement au domicile du patient, dans le but de limiter les déplacements et les présences à l’HJ*. Pour cela, nous avons dû trouver des libéraux disponibles et des médecins traitants qui acceptent de se déplacer chez le patient. En effet, à l’arrivée de cette pandémie, ces derniers n’étaient pas sereins à l’idée de se rendre à l’hôpital de jour… Notre but aujourd’hui est de les rassurer et de leur dire que nous mettons tout en œuvre afin d’assurer au maximum, leur sécurité. Nous avons mis en place toutes les mesures barrières possibles et détenons tout le matériel nécessaire afin de préserver leur santé ainsi que celle de nos collaborateurs, tout en renforçant le fonctionnement de notre système de soins. Il est important pour eux de venir se faire traiter et se faire diagnostiquer au Centre, malgré la situation actuelle.
*Hospitalisation à domicile
*Hôpital de jour

"Aujourd’hui, les patients se déclarent même plus sereins et trouvent l’ambiance beaucoup plus calme et apaisante."
Comment les patients reçoivent-ils cette nouvelle organisation et cette nouvelle mise en place des mesures barrières ?
Aurélia Joureau-Chabert : Le fait que les proches n’aient plus la possibilité de les accompagner lors de leur consultation a été un peu dur à accepter au début de la mise en place de cette organisation. Aujourd’hui, la situation est différente : ils ont compris et accepté l’installation de ces nouvelles mesures. Finalement, aujourd’hui les patients se déclarent même plus sereins et trouvent l’ambiance beaucoup plus calme et apaisante. Également, le personnel de l’hôpital de jour s’est énormément investi en termes d’accompagnement afin que les patients ne se sentent pas délaissés lors de leur traitement. Les gestes barrières sont parfaitement respectés et nous sommes tous satisfaits du déroulement de ce nouveau fonctionnement.
Comment se passe concrètement une téléconsultation ?
Aurélia Joureau-Chabert : Lors d’une téléconsultation, l’oncologue appelle le patient par téléphone et analyse avec lui, les résultats de ses derniers bilans sanguins. Il lui pose également des questions sur la manière dont il a vécu son traitement entre 2 cures de chimiothérapie, s’il a été en contact avec des personnes atteintes de covid-19 et s’il a connu des effets secondaires afin de réajuster son traitement si nécessaire. En revanche, certaines situations nécessitent que nous examinions le patient directement sur place. Celui-ci aura donc, bien entendu, la possibilité de rendre visite à son oncologue, son assistant ou à un interne, le jour de son traitement de chimiothérapie. Quoi qu’il en soit, une présence médicale est systématique le jour de son traitement.

"En ces temps si particuliers, l’esprit d’équipe prend tout son sens et nous encourage à donner le meilleur de nous-même !"
Et au niveau des jours fériés et des horaires… Y-a-t-il des changements notables ?
Aurélia Joureau-Chabert : Nous sommes habituellement fermés le week-end et les jours fériés. Notre activité est donc davantage intense en ce moment puisque nous allons faire sur 4 jours, ce que nous faisons habituellement sur 5. Cette année, nous serons en effet fermés le 1er mai ainsi que le 8 mai prochain. En revanche, nous serons ouverts le jeudi de l’ascension (21 mai 2020) et nous ouvrirons également probablement, le lundi de Pentecôte (1er juin 2020). Également, à partir du 1er juin prochain, nous augmenterons notre amplitude horaire et nous fermerons à 20h et ce pendant 6 semaines afin de pouvoir compenser et assurer la situation « après pandémie ».
Enfin, quel regard portez-vous sur cette crise sanitaire ?
Aurélia Joureau-Chabert : Cette situation nous demande beaucoup d’adaptabilité puisque nous avançons au fur et mesure des informations communiquées quotidiennement par le gouvernement. Il nous faut donc être capable de créer, de se réinventer chaque jour et de s’impliquer davantage dans notre métier ! En ces temps si particuliers, l’esprit d’équipe prend tout son sens et nous encourage à donner le meilleur de nous-même. Également, un élan de générosité a débuté aux prémices de la crise sanitaire. En effet, nous sommes énormément soutenus par des personnes extérieures au CLB. Depuis plusieurs semaines maintenant, nous recevons de nombreux cadeaux et de nombreux messages… C’est très agréable de se sentir soutenu et de constater que nous ne sommes pas seuls face à cette situation inédite.
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Hopital de jour (prise en charge en ambulatoire)